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Souveraineté cachée dans Dune : l’astrophysicien Roland Lehoucq décrypte ce que la science-fiction pourrait apprendre à la French Tech

 Roland Lehoucq, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Saclay, enseignant à Sciences Po ...


 Roland Lehoucq, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Saclay, enseignant à Sciences Po Paris-Le Havre et Rennes-Caen ainsi qu'à l'Université Paris-Cité, est aussi président du Festival international de science-fiction Les Utopiales et responsable d’une rubrique scientifique dans la revue de science-fiction Bifrost depuis plus de 25 ans. Il a également publié plusieurs ouvrages dont Dune – Enquête scientifique et culturelle sur une planète-univers. Lors de l’USI (Unexpected Sources of Inspiration) du 24 juin dernier, il a expliqué comment la science-fiction est cruciale pour comprendre la souveraineté technologique.

Forbes : Quel est l’intérêt de faire un parallèle avec Dune, un monde fictif, pour mieux expliquer notre monde ?

Roland Lehoucq : J'utilise l'univers de Dune pour enseigner à SciencesPo Rennes car c'est une approche fictive de la science qui peut nous aider à mieux penser le monde de demain. La science-fiction aborde des thèmes contemporains comme l'écologie et la souveraineté de manière précise.

Dune est un livre-univers très riche, varié et surtout cohérent et documenté. Frank Herbert y questionne notre rapport à la technique et ne la considère pas comme une garantie de progrès humain. Par exemple, le Jihad butlérien dans Dune fait référence à Samuel Butler et son roman Erewhon, décrivant un monde où la technique est bannie.

Le techno-solutionnisme est souvent poussé à l'excès dans la science-fiction et peut mener à l'asservissement de l'humain, comme dans Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley ou le sous-genre Cyberpunk. Cependant, la science-fiction peut aussi aborder le retrait de la technique : dans Dune, les tâches d'analyse de données sont effectuées par des mentats, des humains experts, agissant comme conseillers.

Quelles leçons la French Tech pourrait tirer de Dune selon vous ?

R. L. : La start-up nation pourrait apprendre que l'innovation n'est pas une fin en soi. Dans Dune, la technique est utilitariste : les Fremen ont inventé le distille, un habit permettant de recycler presque intégralement leur eau corporelle.

La science-fiction peut nous mener vers de fausses pistes, comme l'idée d'une singularité technologique marquant un dépassement cognitif des machines sur les hommes. Cette hypothèse, bien qu'improbable, fait partie de l'imaginaire populaire.

Comment la science-fiction peut-elle aider plus particulièrement des jeunes futurs politiques ou économistes ?

R. L. : À SciencesPo, la culture scientifique et technique est plus superficielle qu’en école d’ingénieurs, mais les conséquences politiques, sociales et économiques des évolutions techniques abordées dans la science-fiction sont cruciales. La science explicite les contraintes de notre monde, des lois physiques non discutables, essentielles pour organiser la vie politique, sociale et économique de demain.

Qu'apprend-on en matière de souveraineté grâce à la science-fiction ?

R. L. : La science-fiction nous rappelle que la souveraineté est aussi technique. Elle montre que l'indépendance passe par la recherche de techniques nécessaires, pas uniquement supérieures. Par exemple, les Fremens dans Dune développent leurs propres technologies pour assurer leur autonomie.

Que définissez-vous comme « right tech » ?

R. L. : Ce n'est pas la meilleure technologie existante mais celle dont on a réellement besoin. La technologie au bon endroit, au bon moment, répondant à une question pertinente. Nous devons ouvrir des débats pour oser poser les questions différemment.

La dystopie semble plus simple à imaginer que l'utopie, surtout en matière de technologie... Et pourtant, le grand public – en particulier les plus jeunes – a grandement besoin d’un futur souhaitable, vous ne pensez pas ?

R. L. : Les dystopies servent de vigie mais peuvent aussi démotiver. Il existe des mouvances littéraires plus optimistes comme le hopepunk ou le solarpunk. Par exemple, Ursula K. Le Guin a théorisé la fiction-panier, en opposition à la fiction-flèche. Nous avons besoin de plus de récits fondés sur des concepts comme le panier, moins exaltants mais tout aussi performatifs.

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